mercredi 19 août 2009

Portrait chinois : Si j'étais… un chemin ?

Je serais le sentier des douaniers, que l'on nomme aussi GR34 !

Nous le dégustons généralement par petites portions. Le tronçon au nord de Saint Coulomb (35) est un des plus agréables.
Le sentier se faufile de sables en rochers, de plages en pointes, de baies en caps.
Il serpente sur le rivage, tantôt chemin creux terreux, tantôt pierreux.
Il longe ici un aplomb friable, là une faille profonde, quelconque trou de l'enfer ou du diable au fond duquel les vagues explosent en une gerbe sonore.
Il passe en dessous d’une prairie bien verte, près d'un champ de blé dans l'attente imminente de la moisson, à côté d'un champ de jeunes choux loin d'être fleurs.
Il est chemin creux bordé de tamarix, d'ajoncs et de pruneliers où s'accrochent des lianes de chèvrefeuille parfumé. En cette mi-août, les ronces offrent des baies prometteuses où je grappille quelques mûres encore aigres qui rougissent délicieusement mes doigts.
Il grimpe hardiment un raidillon comme un sentier alpestre où la fougère aigle caresse mes mollets tandis que quelque turion perfide me griffe les bras.
En haut des Chevrets, de la pointe du Meinga ou de la pointe des Grands Nez, l'armérie maritime ondule dans le vent entre des rochers ornés de lichens orangers qui font avec la bruyère cendrée une belle harmonie de teintes.

Chemin faisant, nous croisons quelque promeneur solitaire avenant qui nous décroche un bonjour souriant, des dames en sandales dorées au pas hésitant qui nous adressent un sourire comme en excuse, quelques types ventrus, chaussés de baskets éculées, faussement indifférents, des enfants qui font la course pour arriver avant leurs copains ayant pris l'option du bas, par les rochers. Ici, on est heureux. On a oublié ses soucis. Seules comptent la mer en contrebas, émeraude, la pointe du Groin que l'on voit au loin, par delà l'anse du Guesclin.

De plage en plage : les Chevrets, les dunes du port, l'anse de la Touesse où les jardins de Rozven résonnent encore du bavardage de Bel Gazou… le parcours traverse le sable. Je m'y attarde volontiers, y trempe les pieds dans l'eau glacée… non, fraîche… non, agréable finalement !
Quelques enfants érigent un château de sable que la marée, descendante, épargnera jusqu'au lendemain. Des gens cherchent fortune dans la dernière laisse de mer parmi les coquillages, les morceaux de bois flotté, de vieilles bouteilles en plastique (vides de tout message de détresse) et des plaques de polystyrène brisées. Tout cela est emberlificoté dans de la ficelle bleue plus agricole que marine ! De rares "lézards" se chauffent au soleil à l'abri du vent derrière un rocher ou, à la mode du Nord, derrière une toile rayée, et attendent, inconscients, leur métamorphose en homard. Le topless n'est pas à la mode dans ce coin. On y exhibe plutôt une marinière délavée ou un vieux T-shirt informe. Le beauf' ventru téléphone-portabilisé existe là comme partout mais les exemplaires y sont assez rares.
Le soir venu, je dois remettre mes chaussettes poisseuses, enfiler mes chaussures sableuses et rejoindre la voiture poussiéreuse par le chemin "du blé en herbe" aux marches inégales, bordé de pâlis et ombragé de pins.

Suivant l'inspiration, nous irons à Saint Malo ou à Cancale pour rafraichir nos lèvres desséchées dans une bolée de cidre ou une bière locale bien mousseuse. J'ai la peau du visage tendue par l'air salé, le nez et les oreilles rougis malgré le soleil voilé, les yeux ivres de lumière !











Anse de La Touesse



La pointe du Groin au loin



Pointe des Grands Nez






Bruyère cendrée (Erica cinerea)



Rozven, à Saint Coulomb (la maison de Colette)



Panicaut des dunes (Eryngium maritimum)